Un de ces jours blancs comme je les déteste, un ciel chargé de neige qui se refuse à tomber et un brouillard à couper au couteau. Un sol si gelé que le verglas se forme littéralement sous nos yeux. Pas de soleil, même plus de ciel, juste cet air qui a des allures de coton. L'air est
visible, c'est pas angoissant ça?
Bon, d'accord, c'est pas le Grand Nord canadien non plus. Mais quand même, quand on s'appelle Marinette et qu'on a grandi au bord de la Mediterranée, ce climat fout les jetons.
Voir les points positifs:
- je suis en vacances, donc pas de trajet en voiture à m'infliger
- il y avait Out of Africa à la télé cet après-midi
- ce pays n'est pas en guerre
A part ça je ne vois pas...
Heureusement, j'ai profité de cette parenthèse hors du monde réel (celui avec des rues, des maisons, etc...) pour avancer Karin. J'ai presque terminé le dos, et l'aspect qu'il prend me plaît. Souple mais avec une certaine tenue, j'ai le fil parfait pour ce modèle.
C'est le programme de ce soir, terminer le dos, et commencer peut-être le devant. Je suis si impatiente de le terminer. J'ai déjà acheté un petit T-shirt à manches longues très fin qui sera parfait à porter dessous en demi-saison.
Ne pas lâcher l'affaire.
J'ai recommencé à tricoter l'été dernier, alors que tout allait mal. J'ai l'impression d'avoir trouvé une béquille, un fil rouge dans ma vie, une activité à laquelle je prendrai toujours du plaisir quelle que soient les circonstances extérieures.
Comment expliquer l'effet apaisant du tricot?
Le premiers rangs, je rumine les idées noires en cours. Mais au bout d'une dizaine de minutes, alors que je suis déconnectée de ce qui m'entoure, au lieu de sombrer de plus en plus profondément mon esprit retrouve des ailes. Et se laisse porter lentement vers des pensées agréables. C'est bizarre non? Mon esprit laissé à lui-même part quasi-systématiquement vers les problèmes du passé, les problèmes en cours, les problèmes qui pourraient éventuellement arriver... Mais quand j'ai un tricot dans les mains la tendance s'inverse.
Tout le monde le dit, le tricot ça fait du bien à la tête. Pourquoi? Et pourquoi les travaux d'aiguille en particulier?
Car attention, s'occuper les mains ne suffit pas. Dans mon cas il faut qu'il y ait des aiguilles dans le jeu. Par le passé j'ai bricolé, restauré des meubles, dessiné et peint, malaxé de la pâte à sel et de la Fimo, fait des collages de papier. Mais rien n'est comparable au tricot - ou à la broderie, dans une moindre mesure.
Je suppose que l'activité manuelle la plus bénéfique varie selon les personnes. Mais parfois je me demande si les bricoleurs fous et les constructeurs de maquettes au fond du garage ne sont pas simplement des hommes frustrés de n'avoir jamais été initiés aux "ouvrages de dames".
Je crois que c'est un concentré d'énergies positives.
Je travaille à un vêtement qui me plaît, qui devrait me mettre en valeur. Je me projette donc dans l'avenir.
Ou bien c'est un cadeau, et je pense en permanence à la personne à qui je veux l'offrir (Mon tricot va pour ainsi dire changer sa vie. Il/elle va crier de joie, le mettre tout de suite et dormir avec le soir, en envoyer des photos à toute sa famille, et dans quarante ans ses descendants entendront encore parler du "petit pull rouge" ou de la "fameuse paire de mitaines".)
Et puis il y a le côté satisfaisant de se fixer un but - pas changer le monde, non, réussir un gilet au point de blé - et de l'atteindre. De faire quelque chose de concret, de créer de l'utile.
Tout ça c'est bon pour l'ego.
J'ai lu aussi quelque part que quand on tricote, les erreurs ne sont pas un drame. Se tromper est pénible et cause un supplément de travail mais enfin, on défait et on recommence, jusqu'à ce que tout soit parfait.
Et pas besoin de bosser pour être heureuse, lire me fait autant de bien que tricoter. Les blogs, les revues, les livres de modèles. Je deviens accro, pas une journée sans tricot.
Après avoir visité d'innombrables blogs de tricoteuses, le processus semble être le suivant:
étape 1 : la tricoteuse tente modestement une écharpe au point mousse, se jure de ne faire que des trucs utiles, portables et bon marché, et ricane devant les compulsives qui entassent des dizaines de pelotes dans leurs placards.
étape 2 : elle devient experte, réussit des ouvrages qui l'étonnent elle-même. A présent elle peut passer plusieurs heures par jour à tricoter. Achète des pelotes à des prix exorbitants et dans des quantités industrielles. C'est comme faire un stock de plaisir.
étape 3 : elle éprouve le besoin de remonter la filière. Elle achète un rouet et file sa laine, la teinte aussi.
Je suppose que l'étape 4 est l'achat d'un mouton.
J'ai peur.